Macadam à deux voies - Monte Hellman - 1971
Je profite de sa diffusion en ce moment sur TCM pour créer un sujet sur ce road movie atypique.
Comme il n'est pas évident d'en parler voici deux textes pour le faire mieux que moi:
"Macadam", le mythe américain mis en pièces
L'un des personnages principaux du film américain de Monte Hellman, "Macadam à deux voies", ("Two-Lane Blacktop"), réalisé en 1971 et sorti en salles mercredi 15 juin 2005.
Dans l'histoire désormais très nourrie du road-movie - pour aller vite, d'Easy Rider (1969) de Dennis Hopper à The Brown Bunny (2003) de Vincent Gallo -, Macadam à deux voies tient une place unique. Si tant est qu'on puisse définir le genre comme la requalification élégiaque de l'épopée typiquement américaine mise en oeuvre par le western, le film d'Hellman en est alors le point d'incandescence. Substituant la conquête de l'Ouest à la dérive vers l'est, Macadam à deux voies brûle tout derrière lui, et délivre à ses successeurs une route désormais livrée à une inexorable consomption.
Réalisé en 1971, le film réunit un acteur professionnel familier des tournages d'Hellman, Warren Oates, ainsi que trois jeunes gens encore inconnus au cinéma, le chanteur folk-rock James Taylor, le batteur des Beach Boys Dennis Wilson, ainsi que la jeune mannequin Laurie Bird.
FASCINATION MORBIDE
Spoiler Le premier campe un quadragénaire en rupture de vie professionnelle et sentimentale, qui claque ses dernières cartouches en taillant la route à bord d'une voiture de sport dernier modèle. Les trois autres, qui pourraient être ses enfants, errent sur la même route à bord d'une antique Chevrolet 55 trafiquée, grâce à laquelle ils gagnent de quoi poursuivre leur chemin en participant à des courses de vitesse clandestines.
Leur rencontre donne lieu à un défi compétitif qui verra le premier arrivé à Washington gagner la voiture de l'autre. Elle donne plus essentiellement naissance à un film d'une étrangeté radicale. Il mêle, dans l'alliance déroutante de la vitesse et de la lenteur, des motifs typiquement américains à une conception mentale du temps héritée de la modernité européenne (de Beckett à Rivette). Film hybride, Macadam à deux voies dépasse à ce titre le cadre strict de la contre-culture américaine au profit d'une vision du monde taraudée par les abîmes de l'absurdité et du nihilisme.
A travers la relation qui s'instaure entre le quadragénaire paumé et mythomane et les trois jeunes gens qui semblent totalement dépourvus d'affects, c'est bel et bien l'histoire du mythe américain, toutes générations confondues, qui est mise en pièces détachées par Hellman, lequel enregistre, entre la génération des pères détruite par le mensonge et celle des fils plongés dans l'indifférence catatonique, la faillite de toute transmission.
Ne leur reste en commun que la fascination morbide des machines et de la route, figures de la fuite en avant mécanique, de la dévoration des hommes par le macadam, ce ruban de temps qui est aussi bien celui de la pellicule sur laquelle s'imprime le film. C'est au niveau même de ce support qu'intervient une des plus belles fins de l'histoire du cinéma, qui consiste, au terme d'un ralenti sur une voiture en pleine course, à faire disparaître l'image par brûlure du celluloïd. Après Macadam à deux voies, il ne reste de fait plus grand-chose à filmer de la surchauffe américaine. Spoiler
Macadam à deux voies (1971). Film américain de Monte Hellman avec James Taylor, Warren Oates, Dennis Wilson, Laurie Bird. (1 h 42.)
Jacques Mandelbaum
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